Montagne Pellat, en traversée de N-W, N à N-E ! Youpi hip hip hip hourra ! cette invraisemblable aventure, fruit d'un heureux enchaînement d'improbables circonstances que l'Ours a judicieusement exploitées dans ses moindres détails, nous a fait perdre un peu de notre viscérale modestie, affaire peu banale qui nous a comblés d'aise que je m'en vais vous conter :
1 - nous étions partis pour la longue mais très banale randonnée des Montagnettes par le raccourci de la Cabane des Espagnols, la Route du Col du Parpaillon, le Col de Girabeau et la crête Nord, mais c'était sans compter sur la subsistance du scandaleux massacre de la neige opéré par
4 conducteurs de quad roulent sur les pistes de la Chalp à Crévoux et la Route du Col non réparée par les dameuses dès le Pont du Réal. La justice devrait infliger la saisie et vente aux enchères de leurs engins et une amende minimale de 75000 euros à ces 4 abrutis sans foi ni loi. Une centaine de m plus loin, l'Ours furieux et me voyant grimacer en me tordant les chevilles au milieu de cet invraisemblable labour me propose d'abandonner notre projet et de retourner sur la bonne trace du km vertical. Ce dont je suis fort aise et m'inquiète de la Marmotte ? "ça va la ravir, vu que c'était son idée première et qu'elle n'a adhéré au projet que pour un peu changer d'air !"; immédiatement informée à la radio, elle en est ravie !
2 - chemin faisant, la température ambiante étant particulièrement clémente, au lieu de monter comme d'hab. le plus rapidement à la rencontre du soleil sur la rive gauche du Vallon Pellat, l'Ours me propose de rejoindre le fond du vallon et de passer en rive droite le plus tôt possible pour profiter au maximum de la bonne neige et ainsi faire à l'envers le tour habituel de la pointe cotée 2917m qui ferme au Sud le Vallon ! n'y voyant que des avantages, nous y allons tout en peaufinant une belle trace pour la Marmotte qui suit à bonne distance.
3 - vu comme nous étions partis, je faisais le pari que l'Ours n'allait probablement pas en rester là et devait avoir une idée bien précise en tête. Quelques encablures plus loin, bingo ! :
- Dis-moi Hélène, je suis sans la carte et n'ai absolument rien préparé mais, chose que jusqu'ici j'ignorais, à bien regarder, il me semble qu'il est possible
aujourd'hui de rejoindre sans grand risque et trop se faire peur la crête Nord de la Montagne Pellat, une véritable aubaine ! ça nous changerait radicalement de la sempiternelle pointe 2617m; ce sera certes plus pentu, mais plus court en distance et tu n'y es montée qu'une seule fois en juin 2013 par la crête Nord-Est, qu'en penses-tu ?
- attends, attends, donne-moi un peu plus de détails : par où comptes-tu passer, combien de dénivelé, après la crête elle est comment ?
- en dénivelé, à peine une soixantaine de m de plus, la crête tu l'as déjà descendue, l'incertitude est plus sur notre capacité à la rejoindre, le haut du couloir qui est déjà bien purgé me paraît trop raide pour une sortie frontale, par contre la vire à chamois qui sur la gauche traverse presque horizontalement la petite barre semble praticable en l'absence de glace sous-jacente !
- et comment sais-tu s'il y a ou pas de la glace là-haut sous la neige ?
- vu la douceur des températures depuis plus d'une semaine, la quasi-certitude qu'il n'y a pas de sous-couche avant cette dernière chute, ce versant plein Ouest devait être sec donc je ne vois pas comment nous pourrions y trouver de la glace et suis à peu près sûr que nous allons toucher les cailloux et rochers tout le long ou presque !
- bon je veux bien tenter l'aventure mais, avant, faisons la pause-ravitaillement et après tu me feras une belle trace et tu m'attendras car je vais monter doucement et la vire m'inquiète.
4 - l'estomac bien calé, nous voilà repartis de plus belle, l'Ours faisant de belles marches sur une esthétique
trace en Z sur la contre-pente au pied des barres rocheuses jusqu'au franchissement du haut de la nervure dont la croupe abrite quelques mélèzes en rive gauche du couloir, avant de faire une véritable
tranchée ascendante dans la coulée de boules très friables qui occupe toute la largeur du couloir et accède au niveau de la vire par un micro-z entre les premiers rochers, puis me tasse consciencieusement une étroite mais confortable trace suivant la technique de la boîte aux lettres bien connue des alpinistes, c'est à dire au ras de la falaise amont. Reste plus que les 6 à 8 m les plus délicats à franchir pour sortir en crête, l'Ours me demande de rester sur une confortable terrasse bien tassée le temps qu'il teste ce dernier
obstacle qu'il négocie avec prudence, s'assurant de la solidité des escaliers à chaque pas, va poser son sac de l'autre côté, et revient se placer derrière moi en ange gardien; quand nous retrouvons son sac, la Marmotte nous annonce qu'elle a fait ses 500 m de dénivelé, que notre trace vers le fond du vallon ne l'inspire pas (ah ! c'était bien la peine que nous la damions aussi consciencieusement !), qu'elle fait demi-tour et nous invite à en profiter pour parfaire notre aventure, ce qui me soulage profondément car je me voyais vraiment mal à l'idée de devoir redescendre par cet itinéraire.
5 - c'est donc le cœur léger que nous repartons de plus belle, plein Nord vers le sommet 275 m plus haut, dans une très belle poudreuse de plus en plus profonde de 40 à 50 cm sur une arête rocheuse assez effilée mais sans corniche, nos raquettes accrochant souvent les dalles sous-jacentes, heureusement qu'elles sont très solides. Plus haut, l'arête se transforme en crête ornée de quelques blocs épars facilement contournables mais, dès que nous nous éloignons du fil, la neige est encore plus profonde, je me demande comment l'Ours fait pour imperturbablement tracer à allure constante sans se décourager jusqu'au sommet. Encore 50 m en dessous, la Marmotte nous signalait qu'elle était de retour à la Cabane des Espagnols, qu'il était 12h45 et qu'elle redescendait jusqu'au parking. Arrivés au
sommet (splendide belvédère à 360° en plein cœur du versant Nord de l'imposant Massif du Parpaillon dont la crête séparatrice des eaux entre Durance et Ubaye court au Sud de la Montagne du Crachet au Pic de Morgon, tandis qu'au Nord la vue s'étend du Vieux Chaillol, le Sud des Ecrins jusqu'au Queyras), nous en faisons la visite exhaustive comme il se doit, d'autant plus aisément qu'il n'y fait vraiment pas froid malgré un bon vent de Sud-Ouest. L'heure étant déjà bien avancée, l'Ours me demande si j'ai encore suffisamment de jambes pour descendre nous abriter au pied de la partie la plus pentue de la crête Nord-Est où nous aurons encore suffisamment de soleil pour pique-niquer plus agréablement ce qui, une fois de plus, me comble d'aise à condition qu'il m'attende car je vais descendre doucement !
6 - précaution parfaitement inutile et crainte injustifiée puisque malgré la forte pente, c'est trace directe, droit dans la pente dans une poudreuse de rêve, où nous devons malgré tout rester très vigilants et légèrement en retrait pour être sûrs de ne pas passer par dessus le guidon lorsque nos raquettes accrochent les rochers; néanmoins, 730m en distance après et 325m de dénivelé descendus en 22 minutes, nous nous installons pour notre royal pique-nique où nous sommes restés tout près de 50 minutes, c'est dire !
7 - bien restaurés, nous avons le choix entre rester encore un peu au soleil en rejoignant la Route du Col du Parpaillon en restant sur cette crête pour poursuivre par la Croix de Razis ou bien lui tourner le dos et descendre plein Nord directement sur la Cabane du Gouron au risque de déranger bon nombre de tétras-lyres, raccourci en prime ! vu la clémence de la température, nous pensons ne pas faire courir de trop grands risques à ces braves gallinacés en optant pour cette dernière solution et nous n'en verrons que 2 qui n'étaient même pas sous la neige. Sous la Cabane, nous constatons que les vandales en quad sont montés probablement jusqu'à la Croix de Razis, quelle honte !
8 - Alors l'Ours m'invite à descendre rejoindre l'ancien canal de Razis; le mélézin au-dessous de la route rejoint (la Marmotte nous informe qu'après une bonne h de sieste dans le Duster, elle l'abandonne et commence à descendre pédibus sur la route en nous attendant), nous retrouvons l'ancien sentier tracé par d'autres raquettistes ainsi que le sentier du canal et de le suivre jusqu'à sa traversée de la Route du Col du Parpaillon au-dessus de ses 2 lacets avant le Pont du Réal où nous retrouvons nos traces de ce matin.
9 - retour à la Chalp par l'itinéraire de montée, nous arrivons au Duster à 16h enchantés de cette très intéressante randonnée totalement inédite et improvisée un 22 décembre, un grand BRAVO à l'Ours pour son adaptativité en fonction des circonstances et son analyse et évaluation du terrain même à bonne distance, c'est quand même bien utile et beau l'expérience, à condition de ne jamais la considérer comme une assurance vie et en présence de neige encore plus qu'ailleurs !
10 - la Marmotte retrouvée, nous poursuivons la route jusqu'à l'abribus des Leydons - le Villard où nous faisons la halte tisane et petit gâteaux avant notre rapatriement sur Embrun au terme d'une journée pleine de bonnes surprises.