Tête du Crachet, 2919m, en traversée S>N sur le tour du Vallon homonyme, montée par l'arête de sa rive droite, retour par le flanc de sa rive gauche; depuis la Cabane des Ponts et Chaussées, 2024m, D 902, St-Paul-sur-Ubaye, Alpes de Haute-Provence.

La Tête du Crachet est récemment apparue sur Géoportail, vitrine sur Internet des Top 25 de l'IGN en lieu est place de la cote 2919m non nommée jusque-là et que les auteurs de topos avaient baptisée Pointe Sud de Lalatcha, tout comme son opposée tête de proue en quasi-continuité de la Barre de la Pisse, Pointe Nord de Lalatcha en référence au fort sympathique Lac de Lalatcha qui se niche au creux de cette singulière petite combe entre ces deux sommets.
La Marmotte et l'Ours connaissent ce célébrissime Vallon du Crachet depuis le début des années 1980, alors parcouru à skis de randonnée nordique; ils y sont revenus de nombreuses fois en randonnées alpines puis en Télémark et, depuis leur retraite embrunaise et l'abandon du ski pour préserver leurs vieux os, en raquettes toujours avec le même plaisir et le même esprit de découverte en constante recherche d'une nouvelle trace. Cependant, après l'enchaînement à raison d'une tous les deux jours de Costa Rouenda, la Croix des Enfers et l'Arête de la Ratelle, ils avaient décidé d'un peu souffler, mais les prévisions météo idéales de ce dimanche les ont vite dissuadés de rester à la maison : "oui, mais où aller ?" interrogea la Marmotte, "et si nous retournions tranquilles au Vallon du Crachet, archi connu mais il sera tellement beau avec ce nouveau coup de blanc !" suggéra l'Ours, "très bonne idée, tu fileras devant à ton rythme et tu me reprends au passage à la descente, je resterai sur la trace de montée des skieurs." "OK, je vais refaire l'itinéraire de la crête de gauche depuis le collet après la cabane et j'irai tester la descente par le collet du Lac de Lalatcha qui a toujours été refusée par mes coéquipières le temps que tu montes jusqu'au collet de la dernière bosse au creux du vallon, pour redescendre ensuite par sa rive droite, ça te fera un petit circuit !" et l'Ours ne regarda même pas la carte, ni ne pris la peine d'en imprimer l'extrait correspondant.
Partis de très bonne heure malgré le passage à l'heure d'été (pas encore enregistré par leurs montres !), le Duster affichait -1° au parking, un petit vent glacial les accueillit et le temps de s'équiper les doigts sont vite devenus gourds, le coup de blanc de la nuit de vendredi à samedi était parfait, la neige au départ particulièrement tendue redevint poudreuse dès l'orée du mélézin, l'Ours pensant que la Marmotte préfèrerait rester plus à droite pour être au soleil le plus vite possible, fit à grands pas la grimpette directe du collet boisé à gauche et y pris un tel plaisir qu'il décida de poursuivre en abordant frontalement la rude pente encore plus à gauche pour rejoindre directement la crête de séparation entre le Vallon du Crachet et celui de l'Infernet autrement plus profond. Ce qui allait lui permettre de parcourir en raquettes la quasi-intégralité de cette longue crête, déjà effectuée en sens inverse en condition estivale et ainsi relever d'un cran le caractère alpin de la randonnée initialement prévue.
Le collet coté 2380m passé, l'Ours n'arrivant pas à repérer la Marmotte dans "la plaine" aux alentours de la cabane s'inquiète à la radio et apprend qu'en suivant tout bonnement sa trace elle en est au début de sa variante pour rejoindre cette crête, démarche littéralement incompréhensive et ne correspondant en rien à l'affirmation de ses intentions, qu'il lui rappelle en l'invitant à rejoindre au plus vite le vallon car la suite de sa trace ne lui conviendrait pas.
Parcours assez hard à n'entreprendre qu'en condition idéale de stabilité du manteau neigeux et en étant sûr de sa technique, n'offrant qu'une seule issue de secours, le collet coté 2380m, entre la crête boisée du début et la jonction avec la VN au collet suivant 2441m, la suite déjà parcourue en raquettes en bonne compagnie est plus facile et moins exposée du côté du Vallon du Crachet, même s'il faut rester très attentif aux corniches et aux quelques difficultés techniques en neige dure voire glacée. Le sommet, peu marqué sur une longue arête assez effilée partiellement déneigée, a dissuadé les nombreux skieurs de le rejoindre à la grande surprise de l'Ours qui, chaque fois, navigue entre ses extrêmes pour le plaisirs des changements de perspective et n'arrive pas à se convaincre qu'il est un des rares à le faire.
Craignant que la neige ne ramollisse trop vite dans la pente Sud-Est à descendre sous le collet, il ne prit pas le temps de refaire son pèlerinage sur la débonnaire crête cotée 2898m, à la verticale de la Casse des Goulats en rive gauche de la petite combe du Lac Lalatcha et se pressa sur la large et confortable crête de la rive droite; bien lui en pris puisque les conditions de la descente dans une pente entre 35 et 40° moyennant les précautions d'usage lui furent tellement propices qu'il n'eut même pas à déchausser contrairement à ce qu'il avait imaginé, au point même qu'arrivé à mi- pente, au lieu de prudemment passer par le bas, il décida de rejoindre le collet de son rendez-vous avec la Marmotte en dahu. Résultat, il y était bien avant elle et en s'avançant à sa rencontre en abordant l'autoroute, reçu l'information "votre femme vous fait dire qu'elle sera là dans 10 à 15 minutes" de la part de deux jeunes gaillards qui n'ont pas eu à bien chercher pour me repérer puisque nous sommes les deux seuls raquettes aux pieds dans tout cet environnement.
Comme il n'était même pas midi, la Marmotte a bien voulu poursuivre son effort jusqu'au sommet de cette dernière bosse au milieu du vallon, chouette belvédère pour observer les évolutions de ceux qui descendent au milieu de ceux qui montent, probablement dans le seul but de les narguer, alors que tous les talwegs secondaires dans la pente Sud-Est leurs offriraient de bien meilleures conditions, ils ne seront que 2 + 5 a en faire l'expérience. Pour le spectacle, l'idée était excellente mais nulle pour le confort car en plein milieu du flux quasi-permanent des ascendances au point que, même revêtus de toutes leurs pelures, ils ont dû abdiquer et se réfugier un peu plus à l'abri pour terminer leur pique-nique.
Le retour fut un long et très agréable fleuve tranquille, même s'il leur a fallu prendre quelques précautions pour éviter toutes glissades incontrôlées dans les deux escaliers à franchir et, malgré la grosse remontée des températures, ils n'ont eu droit qu'à un ou deux passages à travers la couche ramollie.
En conclusion : formidable randonnée dont ils auraient bien eu tort de se priver.