Ah! la Selle et sa légendaire Cabane ! en parfait nid d'aigle au milieu de l'austère et très escarpé ubac du
Banc du Peyron , l'emblématique sommet de la Montagne du Petit Chaillol, véritable sentinelle méridionale au Sud-Est de l'estuaire de la Séveraisse à l'entrée de la célébrissime Vallée du Valgodemard (la septentrionale n'étant autre que le non moins célèbre
Grun de St-Maurice , intarissable objet des conversations enflammées des chasseurs de chamois qui ont égaillé toute ma lointaine jeunesse et m'ont conduite à toujours avoir envie de monter là-haut.
Après une première tentative avortée, car embarquée dans cette aventure par une intrépide et inconsciente amie, qui n'avait rien trouvé de mieux qu'espérer y accéder par une froide journée de novembre ! résultat : nous n'étions, fort heureusement, même pas arrivées jusqu'au premier grand escalier sous l'Aiguille de Péoume, forcées de battre en retraite avant qu'il ne soit trop tard, tant le sol gelé et les rochers verglacés devenaient de plus en plus dangereux !
Il m'aura donc fallu attendre d'avoir allégrement franchi le seuil de ma septantième dizaine et laissé passer la première, depuis ma connaissance au CAF d'Embrun de cet atypique Ours des montagnes pour que, sous sa bienveillante houlette, je puisse enfin réaliser ce rêve.
Ainsi, lorsqu'il m'a prévenue en dernière minute que vendredi nous pourrions randonner une fois de plus en duo en me proposant : "le Chaperon par son adret depuis Molines-en-Champsaur ou, pourquoi pas, ta fameuse Cabane de la Selle à l'ubac du Banc du Peyron ?", je n'ai pas eu la moindre hésitation pour saisir cette heureuse opportunité et même si j'en ai bien bavé, je ne le regrette pas; quelle ô combien singulière randonnée ! d'une extrême sauvagerie dans un décor assez impressionnant pour le commun des mortels, dans une abondante végétation luxuriante et multicolore allant du jaune vif des vélars à feuilles de tanaisie, au violet des pensées et des géraniums, en passant par l'orangé des lys homonymes, le rouge des rhododendrons et les bleus des gentianes, le tout étant en pleine floraison; sur un sentier des plus étroits, à peine perceptible au milieu de tout ça, la plupart du temps jusqu'à la taille et plus dans les framboisiers et les vernes, la majorité du temps en traversées dans une pente par secteur supérieure à 45° où il vaut mieux ne pas poser le pied à côté de sa très étroite assise, souvent en dévers ! comme s'il prenait un malin plaisir à tenter de nous éjecter de sa trajectoire, constituée d'une judicieuse sélection de traversées ascendantes, souvent quasiment horizontales, parfois même descendantes sur de courtes portions, ponctuées par quelques grands escaliers particulièrement raides dont les 3 principaux sont :
- au-dessous de l'Aiguille de Péoume, puis à l'Est dans le talweg du Ruisseau de Fouzal à sec,
- entre la rive droite du Torrent du Vernet à sec et le collet sur l'éperon de la cote 1707,8m,
- pour accéder et remonter toute la suite de l'arête cotée 1877,5m, en rive gauche du Vallon du Cros, jusqu'à son effacement dans un versant tapissé de rhododendrons.
Le premier particulièrement raide dans la végétation, le nez contre la paroi est peu impressionnant à l'exception du franchissement d'une petite fissure rocheuse suivie d'une courte dalle assez exposée à descendre pour accéder au ravin du Ruisseau de Fouzal, juste au-dessus d'une petite falaise; petit pas qui mérite une grande attention surtout si le rocher est humide.
Le deuxième, beaucoup plus vaste et dénudé, constitué d'une succession de passages rocheux où il faut s'aider des mains et de petits couloirs pierreux, peut certes en impressionner certains, mais il nous est apparu peu exposé, contrairement à la description donnée dans l'
Article_1 .
Le troisième, dont nous n'avons toujours pas compris s'il s'agit :
- d'un simple raccourci de l'itinéraire tracé sur l'IGN et les cartes OTM,
- d'une erreur (peu probable !?) de ces 2 tracés sur les cartes,
- d'un abandon de cet ancien itinéraire, pour des raisons de sécurité ?
après une rude grimpette au milieu d'une abondante végétation permettant l'accès à l'arête, qu'il est possible de suivre jusqu'à la mini-brèche suivante (notre trace de descente) ou d'y arriver par une vire dénudée en balcon sur la droite (notre trace de montée), le petit escalier suivant se contourne facilement par la gauche à nouveau dans une abondante végétation, pour enfin arriver sur une croupe herbeuse, idéale pour notre pause-ravitaillement, avant une dernière immersion végétale à flanc, semi-circulaire dans les vernes et les framboisiers (dont le premier talweg était encore occupé par un névé en partie gelé qui a nécessité l'utilisation du piolet pour que l'Ours me taille de confortables baignoires !) pour rejoindre en face une large vire herbeuse en balcon qui conduit fort agréablement jusqu'au pré carré à l'Est duquel se cache derrière la seule touffe d'arbustes la Cabane de la Selle, parfaitement rénovée par les chasseurs de St-Jacques, d'une propreté exemplaire, avec un petit poêle, un bat-flanc avec des matelas et couvertures bien pliées, véritable havre de paix qui incite à la méditation. Seul bémol de taille, l'absence totale d'eau à proximité, certes il y a bien 4 ou 5 gros jerricans, mais où aller les remplir ? mystère !
Car, en effet, nous avons été particulièrement surpris et étonnés de n'avoir pas rencontré la moindre goutte d'eau, de notre départ jusqu'ici, près de 900m de dénivelé le long d'une longue diagonale traversant tout un ubac avec, dans l'ordre, les :
- Torrent de Notre Dame,
- Torrent des Aries,
- Ruisseau de Fouzel,
- Torrent du Vernet,
- Ruisseau de Prentiq,
et autres ravines toutes à sec un 2 juillet ! chose d'autant plus surprenante, voire même intrigante quand on sait combien l'adret de cette montagne regorge de cascades abondantes, parfois difficiles à traverser ! ça alors ?!
Mais vu le temps que nous avons mis pour arriver jusqu'ici (4h30 !) et le désir de l'Ours d'explorer dans le détail cette fameuse Selle, ma méditation fut de courte durée et nous voici repartis pour au moins la bosse cotée 2072,7m, en faisant suivant son projet une mini boucle. J'étais à peine à mi- pente lorsque je l'ai entendu pester comme charretier ! voilà-t'y-pas qu'il n'avait plus son piolet, abandonné il ne sait plus exactement où, mais c'était forcément à l'une de ses captures photographiques ! Alors changement de programme : au lieu d'un retour par le haut sur la croupe de notre pause-ravitaillement, nous sommes montés jusqu'au grand pierrier juste sous les névés à la verticale des Roches Noires du Banc du Peyron et revenus à la cabane pour redescendre par le même itinéraire afin de récupérer son précieux outil, qu'il a eu bien du mal à retrouver dans les rhododendrons.
Et de m'inviter, malgré toutes mes appréhensions, à aller pique-niquer au bout du bout de l'arête rocheuse, perchés en nid d'aigle sur une aire d'à peine deux m carrés, sous prétexte qu'il y aurait de l'air et moins de mouches. Bon ! à force ! cette fois-ci, j'ai quand même réussi à y déguster mon sandwich, biscuits et chocolat ! et quelle n'a pas été notre surprise d'y observer 2 chamois qui sont descendus tranquillement par la même arête que nous jusqu'à notre vis à vis avant de plonger dans la végétation lorsqu'ils nous ont probablement sentis !
J'ai ensuite effectué un retour des plus prudents en m'aidant beaucoup de mes bâtons, parfois des mains toujours sous la vigilance de l'Ours, mais bien plus tardif que prévu ! et je dois avouer que j'en avais plein le pattes, mais c'est avec un plaisir non dissimulé que je peux ainsi conclure le récit détaillé de cette aventure tant convoitée, avec une fois de plus un grand MERCI à l'Ours car jamais je n'y serais arrivée toute seule !
Documentation trouvée sur Internet :
Article_1 : :
altituderando.com : Cabane de la Selle, 2018m.
Article_2 : :
altituderando.com : le Banc du Peyron ou Petit Chaillol, 2777m.
Article_3 : :
camptocamp.org : le Banc du Peyron ou Petit Chaillol, versant N et arête W.
Article_4 : :
visugpx.com : le Banc du Peyron, 2777 m, Montagne du Petit Chaillol, Molines-en-Champsaur, Hautes-Alpes.
Article_5 : :
refuges.info : Cabane de la Selle, Valgaudemar.